MXP sur le Cerro Kishtwar en Inde

Manu Pellissier a réalisé avec trois potes la première ascension sur la Face Est du Cerro Kishtwar en Inde. Récit.

Il y a des propositions que tu ne peux pas refuser…

Lorsque mon vieil ami Marko Prezelj m’a proposé de faire une expédition en Inde avec Urban Novak et Hayden Kennedy, je lui ai d’abord demandé de me laisser une semaine pour y réfléchir. Il ne m’aura fallu qu’une heure pour le rappeler et confirmer, et pour lui demander un peu plus de détails sur cette face Est du Cerro-machin-chose…

Le Cerro Kishtwar est situé dans la région du Jammur Kashmir, dans la province de Kishtwar. Le Cerro Kishtwar s’élève à 6173 mètres environ, il a été gravit deux fois. La première par Mick Fowler et Steve Sustad en 1993, et par une équipe Suisse en 2011 constituée de Stephan Siegrist, David Lama et Denis Burdet.

Il y a aussi eu une remarquable tentative en 1991 de Brendan Murphy et Andy Perkins sur l’incroyable Face Nord. Ils ont passé 17 jours sur la face et se sont arrêtés à 100 mètres du sommet. Sur la directissime de la Face Nord: 1000m d’escalade et 28 longueurs en style capsule…

Le 10 Septembre, on se rejoint tous à Delhi. Urban et Hayden se connaissaient déjà, pour avoir gravit ensemble le K7 en 2012; et avec Marko, on a partagé plusieurs grandes aventures alpines pendant 17 ans.

C’était une équipe intéressante, 2 slovènes, 1 français, et 1 américain ; deux jeunes fougueux avec deux vieux croûtons… tous focalisés sur le même but, la Face Est encore jamais explorée du Cerro Kishtwar.

Hayden est un jeune et talentueux grimpeur américain. A seulement 26 ans il a déjà de nombreuses grosses ascensions derrière lui, dont le K7 au Pakistan et le premier enchainement du Cerro Torre (Patagonie). Urban c’est le « cerveau » de l’équipe, doctorant en biologie et alpiniste expérimenté, il est calme et très ouvert d’esprit (il a déjà grimpé avec des américains…). Marko est à l’alpinisme ce que Keith Richards est au Rock n’ Roll mais plus romantique, sans drogues ou excès de femmes et avec seulement un tout petit peu d’alcool. Et puis il y a moi, Manu, alpiniste à deux doigts de la retraite, j’ai fait une rechute avec cette expédition à cause des Rolling Stone.

Nous nous sommes vite rendus compte que l’alchimie entre nous était bonne, et si l’itinéraire et le temps ajouteront du piment, nous devrions avoir la recette parfaite pour un plat digne d’être servit sur les tables des dieux des expéditions.

Aller sur la chaîne du Kishtwar est un voyage long et dangereux. Premièrement à travers Manali en bus, puis en 4×4 par le « Kishtwar killer road » (litt : « la route tueuse du Kishtwar ») jusqu’à Gulhab garh. La Kishtwar Killer est une folle route construite au beau milieu d’immenses falaises, quelque unes à 200 mètres au-dessus de la rivière, ou la moindre erreur nous conduirait à une mort certaine.

Quatre jours de trek dans la Darlang Valley qui nous a gatés, étants pour nous le trek le plus pittoresque et spectaculaire que nous n’ayons jamais fait auparavant. Après un passage par le village saint de Machaï, nous sommes arrivés au camps de base à 3900m d’altitude, au pied du glacier Chomochior, la porte d’entrée de notre objectif, la face Est du Cerro Kishtwar…

Le spot que nous avons choisi pour notre camps de base était aux pieds d’une imposante falaise de granit avec de tous nouveaux pitons ! Nous apprendrons après-coup qu’ils venaient d’une équipe suisse qui était là en Août. C’était juste ce qu’il nous fallait pour permettre à hayden notre jeune grimpeur de rester affuté.

La situation idéale de notre camp de base aura été de très courte durée. Avec la fonte des premières neiges, notre partie de cartes a été soudainement interrompue et nous avons dû nous grouiller de prendre des pelles et des piolets et de creuser frénétiquement des chenaux pour rediriger l’eau autour de nos tentes afin de sauver tout notre équipement.

La tombée de neige qui a failli envoyer balader l’expédition entière dans la vallée a aussi été un cadeau des dieux des expéditions. A première vue, la face est du cerro kishtwar était vraiment sèche et heureusement, avec l’arrivée de ce temps, nous sommes passés d’une potentielle ascension ultra risquée et dangereuse dans de sèches conditions à quelque chose de totalement plus raisonnable avec un faible risque de chute de pierres.

La première partie de l’acclimatation s’est faite en deux niveaux. Marko, Hayden et Urban ont grimpé la partie ouest de l’arrête du Chomochior qui fait 6278m. Quant à moi, j’ai jeté mon dévolu sur plusieurs voies des sommets de plus de 5000m, accompagné de Bagual notre guide et Betoo, notre « cuisinier ». Ces murs de merveilles m’ont bien préparé pour enfin attaquer notre objectif premier.

Une fois l’acclimatation faite, il était temps de se relaxer au base camp à boire des bières, parler de tout et de rien, et planifier notre prochaine tentative sur le CK.

Le plan c’était: prendre de la nourriture pour 5 jours, bouger l’ABC jusqu’à la base de la face et de la grimper une bonne fois pour toute!

Le 5 octobre, après qu’il ait neigé toute la nuit, la face était plâtrée de neige fraiche. Il faisait froid, Marko ouvrait la voie et Urban, Hayden et moi commencions à scruter la partie gauche en espérant trouver une rigole plus simple qui nous aurait donné une meilleure chance….

Quelques mots de sagesse restent en vous pour toujours.

“Ne faites pas vos chochottes, on peut le faire….”

Ces mots mielleux se sont déversés de la bouche du poète slovénien qu’est Marko Prezelj. Immédiatement, nous avons recalibré nos esprits pour se focaliser sur la meilleure voie possible. urban, hayden et moi commencions à scruter la partie gauche en espérant trouver une goulotte plus simple. Ni la plus facile, ni la plus confortable, mais définitivement la meilleure : directement sur la face Est.

Le temps fort de l’ascension ne fut pas un grade 6 ou un 6b, mais, vérité dite, peu importait de savoir quelle cotation cette voie avait, nous savions tous quelles compétences il fallait avoir et tous les doutes étaient chassés avec cette phrase, le mot de passe qu’il nous fallait pour rentrer dans le vrai jeu.

Nous avons attaqué l’ascension, centimètre par centimètre, partageant la même cordée, de bonnes marrades, et de bonnes lampes frontales. Tant bien que mal, ce 8 octobre, nous nous sommes tous réveillés sur l’un des endroit les plus beaux de ce continent avec une vue incroyable, des montagnes tout autour de toi, même pas un signe minuscule de civilisation aux alentours, il y a des moments que tu n’oublieras jamais et celui ci resteras en moi pour toujours, à 6173 m d’altitude, le sommet du Cerro Kishtwar.

Après un jour de galères sur la partie gauche sous les chutes de pierres et de neige, nous étions plus qu’heureux lorsque notre poésie slovène nous poussa sur le passage de droite…

Du sommet, nous sommes directement descendus au camp de base, juste un jour pour se reposer et tout remballer (et finir la bière et le whisky) en se rappelant ces bons souvenirs ; leçons de poésies slovènes et c’est petit à petit que nous avons commencé à redescendre vers la civilisation en transportant avec nous les souvenirs d’une réelle spectaculaire expédition.

L’équipe voudrait remercier toutes les personnes et entreprises qui nous ont aidé dans notre aventure:

Millet Expedition Project, Katadyn, Julbo, Petzl, Nemo.

Première ascension de la Face Est du Cerro Kishtwar : “light before wisdom” ED+/1200m; (wi6; 5.11; A2;M6), du 4 au 8 octobre 2015, par Marko Prezelj, Urban Novak, Hayden Kennedy, Manu Pellissier.

Credit Photo: « Marko Prezelj ».

[Texte traduit de l’anglais]